Abidjan le 10 Janvier 2025 – Le gouvernement ivoirien a décaissé. La Cellule de Coordination du Projet de Transport Urbain d’Abidjan (CC-PTUA), en charge de la mise en œuvre de ce projet dit avoir payé. Mais des victimes continuent toujours de réclamer leur argent, la contrepartie de leurs biens détruits pour donner forme à ce projet d’intérêt général. Qui donc veut bien vouloir empocher les sous des 5.000 victimes qui attendent encore depuis plus de 3 ans et 1 an après la fin officielle du processus d’indemnisation intervenue en décembre 2023 ?
La suite de notre enquête.
Saisi par deux victimes en septembre 2023 se plaignant de n’avoir jusque-là rien perçu de la CC-PTUA, dans le cadre de l’indemnisation des personnes impactées par le projet de transport urbain d’Abidjan, nous avons alors entamé une investigation à l’effet de savoir s’il y a plus de personnes dans la même situation ou bien l’affaire concerne uniquement ces deux plaignants et les raisons pour lesquelles elles ne sont pas encore indemnisées.
06 mois plus tard, nous avons pu recenser plus de 380 personnes avec des histoires différentes. Certains racontent que leurs bâtis ont été démolis alors qu’ils n’étaient sur les emprises de l’Etat. D’autres avancent que, c’est un ripage (une déviation du premier tracé) qui a impacté leurs biens. C’est-à-dire qu’au départ du projet, ils n’étaient nullement concernés. D’autres encore reconnaissant tout de même qu’ils occupaient les emprises de l’Etat, il leur a été promis une indemnisation qu’ils attendent toujours. Certains avancent qu’ils avaient des terrains nus ou ont démarré les travaux de construction avant ceux-ci ne soient ravagés par le projet.
Ce qui a réveillé la CC-PTUA
Pour dénouer le problème, nous avons, par courrier en date 14 février 2024 saisi la CC-PTUA et le ministère de l’équipement et de l’entretien routier, assurant la tutelle. Ces deux correspondances avec ampliation à la CAIDP sont restées sans suite. La mise sous presse d’abord d’une interview le 15 mars 2024 avec un impacté dont un bâtiment de plusieurs niveaux servant d’habitation et un autre abritant un super marché et également des habitations et ensuite la publication de la première partie de notre investigation le 06 avril 2024 sur le site d’information générale de l’Agence de Recherche et de Traitement de I’Information (artici.info), ont finalement amené les hommes du ministre Amédée Kouakou à réagir. D’abord pour payer un bâti et ensuite apporter, selon eux, des précisions sur cette affaire. Et après ouvrir une dernière phase d’enrôlement de personnes non prises en compte dans le processus d’indemnisation qui, officiellement, a pris fin en décembre 2023. Une opération qui s’est déroulée du 21 mai au 07 juin 2024.
La CC-PTUA joue avec la vie des victimes
Et depuis, c’est le statu quo. Personnes, parmi près de 400 personnes inscrites dans notre base de données, en dehors monsieur Haidar Hussen dont un des bâtiments a été indemnisée après l’interview qu’il nous a accordée le 15 mars, et de monsieur Kalou qui avait décidé de s’immoler le lundi 11 novembre 2024 devant les bureaux de la CC-PTUA, avant qu’ils soient payés. Monsieur kalou, lui, a été payé le jour même après sa tentative de suicide avortée. Nonobstant les différentes décisions en faveurs de monsieur Haidar, la CC-PTUA refuse jusque-là de le payer. Elle joue avec la vie des gens.
Si l’on se réfère au chiffre de 5.000 impactés avancés par la CC-PTUA et qui attendent toujours d’avoir leur dû, un simple calcul arithmétique sur la base de 230.000 FCFA pour de simples locataires, donnerait près de 1,2 milliard FCFA. Or tous ceux qui figurent dans base de données en notre possession sont propriétaires de bâtis ou de terrains nu ou en situation de mise en valeur. C’est donc plusieurs milliards de FCFA que la cellule garde par devers elle. Ce montant pourrait doubler si les choses continuent d’être gérées comme cela se fait en ce moment.
La justice, la note salée qui attend le gouvernement
Car en effet, plusieurs personnes ont ester en justice et d’autres entendent leur emboiter le pas. Des procès qui pourraient accorder des dommages et intérêts en cas de décisions favorables aux parties demanderesses.
Qui donc, a intérêt à endetter ou du moins à vouloir faire payer doublement la note à l’Etat de Côte d’Ivoire en s’asseyant sur les sous des victimes ?
Les 25 novembre et 11 décembre 2024, nous saisissions une fois encore par correspondance conformément au droit d’accès à l’information avec ampliation à la Commission d’Accès à l’Information et de Documents d’intérêt Public (CAIDP) afin que nous soit communiqué les procès-verbaux de démolition des biens de personnes afin de mieux apprécier la situation des victimes. Jusque-là aucune réaction. Pourtant lors de notre investigation, nous avons pu noter que ce qui constitue la pomme de discorde réside dans l’appréciation des biens détruits.
Le nœud gordien du problème
Alors que des bâtis avaient été déclarés hors emprise, ils ont finalement été démolis sans qu’une expertise ait été faite au préalable pour mesurer l’ampleur du dommage commis aux tiers. Le cas des impactés du secteur ‘‘marché Bagnon’’ en est un témoignage. Aucune trace de procès-verbal, selon les victimes, pour apprécier. Sur la Y4, coté Anyama, plusieurs terrains et bâtis sont partis dans les décombres sans avoir fait l’expertise des biens détruits. Là-bas, un impacté du nom de Diakité a eu beaucoup de chance. L’homme, dès l’entame des travaux de son bâti, faisait des prises de vue qui lui ont permis de convaincre la cellule de coordination. Malgré cela, monsieur Diakité n’est jusque-là, pas encore situé sur son sort. Il n’a pas encore été invité à la négociation pour parler d’indemnisation.
Certains actes curieux dénotent une volonté manifeste de la cellule de coordination de s’asseoir sur l’argent des gens. Car bien que des impactés et la CC-PTUA soient parvenus à un accord pour indemnisation, les victimes attendent depuis plus de trois mois la remise de leur chèque. Combien de temps devront-ils patienter encore ? Aussi, qu’est-ce que l’on peut faire du reste d’un terrain dont plus de la moitié a été utilisée dans la construction d’une voie ? Selon des impactés, la cellule ne veut prendre en compte que la superficie détruite par la voie. Qu’est-ce qui peut expliquer ces dispositions ?
A certains endroits, bien que des bâtis soient déclarés sur emprises, la Cellule d’Exécution du Plan d’Action de Réinsertion (CE-PAR), qui devrait faire le constat, n’aurait pas été informée avant libération desdites emprises pour lui permettre d’apprécier les dommages afin qu’un procès-verbal en bonne et due forme soit élaboré.
Les erreurs de la cellule
Il est donc aujourd’hui difficile à la CC-PTUA de présenter les procès-verbaux de certaines démolitions. Une situation qui a poussé Haider Hussen à assigner l’Etat, à travers sa cellule de coordination en justice pour avoir détruits son bâtiment abritant le super marché Bon Prix et un bâtiment servant d’habitation. Après avoir sous-évalué ses biens, le concerné a demandé à voir l’expertise immobilière fait du bâtiment pour savoir s’il s’agit de son bâti où. La CC-PTUA n’a pas été à mesure de lui fournir ce PV de la démolition.
Quel est donc le mode opératoire ou d’action de la CC-PTUA permettant de reconnaitre les vrais impactés, donc vrais bénéficiaires ?
Voilà autant de questions que nous aurions bien voulu poser pour comprendre mais que, par son refus de communiquer, la CC-PTUA n’en donne pas l’occasion et ouvre la voie aux suspicions et rumeurs distillées sur son intention de vouloir s’accaparer les sous mis à sa disposition pour indemniser les victimes.
La BAD, principal financier de ce programme, est alors prévenue, Des personnes qui n’ont que ce qui leur a été pris dans la mise en œuvre de ce projet, continuent de tirer le diable par la queue tout simplement parce des gens peuvent les voir mourir pour s’octroyer la modique indemnisation. Il est temps de mettre fin à ces souffrances qui durent depuis plus de 4 ans.
Jules Eugène N’DA