Abidjan le 07 décembre 2024 – « Je voudrais vous expliquer un peu la situation que je vis sur la paroisse ici. Ça fait deux mois que je n’ai pas d’eau ici. Et on m’a envoyé une facture de plus de 37.000 FCFA. Je ne peux pas payer une facture pour une prestation non rendue », a déclaré en substance le père curé de la paroisse Saint Paul de Tanguelan au cours de la messe de l’Avent qu’il a dite le dimanche 1er décembre 2024.
Certainement exacerbé par le problème persistant de manque d’eau dû à la sous capacité de production de la Sodeci pour desservir tous les ménages de la Sous-Préfecture de Tanguelan en eau potable depuis des années, le père Darius Kanga n’a pas eu recourt aux gongs pour donner des uppercuts aux acteurs politiques mais également aux acteurs du développement de sa localité pour se faire entendre.
Il aura suffi, d’une seule question pour que la gorge nouée du Père, se dénoue.
Mon Père, toute à l’heure, au titre des informations que vous aviez voulues partager avec vos fidèles, vous aviez un peu haussé le ton sur l’attitude de la Sodeci d’Agnibilékro que vous avez qualifié d’inacceptable. Peut-on en savoir davantage sur les raisons de cette colère, si l’on peut la qualifier comme telle ?
« Pendant les élections, il y a des candidats qui se présentent comme le Messi qui arrive et vous font un tas de promesse. Ils disent : « si vous m’accorder votre voix, je vais vous donner ceci, je vais vous donner cela ». Mais une fois élu, on ne les voit plus. Voici qu’on n’a pas de route, on n’a pas de l’eau. On attend toujours ce Messi là qui n’arrive jamais, et même on doute de la crédibilité de ces Messi là. Celui qui viendra nous faire la route, celui-là, c’est notre Messi. Celui qui viendra nous donner de l’eau, celui-là, c’est notre Messi », a déclaré le curé de Saint Paul de Tanguelan qui profite de notre micro pour attirer l’attention des politiques en quête de voix pour être élus aux futures élections.
« Allez donc leur dire qu’on n’a pas d’eau, on manque de route pour aller dans les villages de la sous-préfecture même pour rejoindre la ville d’Agnibilékro. Celui donc qui viendra faire le reprofilage de nos routes, celui-là sera notre Messi », ajoute le Père Darius Kanga, revenant sur la mauvaise interprétation faite sur l’une de ses homélies faites il y a de cela 2 ans, toujours sur les mêmes sujets.
Ils ont appelé monsieur le ministre (Abinan, ndlr)) pour lui dire que je suis en train de l’insulter à l’Eglise ici. Et lui, il m’a appelé pour me dire :
– J’ai appris que vous m’avez insulté ».
Je lui répondu monsieur le ministre, je ne vous ai pas insulter. Pourquoi le ferais-je ?
– Mais on me dit que dans votre homélie, vous avez dit que je n’ai pas fait de goudron sur l’axe Agnibilekrou – Tanguelan « .
Je lui ai dit: monsieur le ministre, mais le goudron, ce n’est pas vous qui le faites . Il y a des structures chargées de reprofilage et c’est du reprofilage des routes que j’ai parlé. Si vous voulez être sûr de mon homélie, surtout que je les écris, je pourrai vous le remettre pour que vous en preniez connaissance. Et je souhaiterais que, ce jour-là, vous arriviez ici avec votre informateur sinon ne je ne pourrai pas répondre à votre préoccupation. Voilà ce que je lui ai dit au téléphone », a expliqué le Père Darius Kanga pour d’abord recadrer les choses afin d’éviter d’éventuelles amalgames qui pourraient être faites pour sortir ses propos une fois encore de son contexte.
« Pour ce qui est de l’eau, poursuit le Père Darius Kanga, on paie les factures sans qu’on ait de l’eau. Depuis longtemps, la facture d’eau sur la paroisse ici oscille entre 15.000 FCFA et 18.000 FCFA. Ça c’est quand j’ai de l’eau. Voilà que ces deux derniers mois, je n’ai aucune goutte d’eau dans le robinet. Je vais même me ravitailler à Mian Kouadiokro, le village voisin qui lui a une pompe motrice et on vient me tendre une facture de plus de 37.000 FCFA, plus que le double de ce que je paie quand j’ai de l’eau. Je me rends donc à la Sodeci d’Agnibilékro pour comprendre ce changement subite ? Et la dame du service client qui m’a reçu ne m’explique rien si ce n’est de m’offenser. Voici ce qu’elle m’a dit :
– Si vous n’avez pas d’eau et que l’eau ne vient pas dans vos robinets, venez donc résilier votre compteur mais à la seule condition de vous payer la facture de 37.000 FCFA.
Je lui ai alors répondu que je ne paie pas 37.000 FCFA, surtout pour une marchandise que je n’ai pas consommée. Et comme on ne pouvait pas s’entendre devant son insistance, je lui ai dit que votre compteur est là-bas, quand vous le pourrez, vous pouvez passer le prendre parce que même si c’est 10 FCFA, je ne paie rien. Le jour où l’eau sera de retour normalement à Tanguelan dans les robinets, alors en ce moment là, je vais me réabonner. Je tiens à le souligner ici, ce n’est pas une question d’argent. La paroisse à les moyens pour faire face à ces charges là (électricité et eau, Ndlr). J’ai payé 60.000 FCFA pour l’électricité parce que j’ai du courant. Pour l’eau, s’il manque dans les robinets, moi je ne paie pas. Si les politiques ne peuvent pas nous donner de l’eau, si le conseil régional ne peut pas nous donner de l’eau, je ne sais pas ce qu’on peut faire. Tanguelan n’est pas un petit village. Il régorge pas mal de fonctionnaires et on regarde ça. Moi, je suis ici, dans ma quatrième année et nous vivons la même situation depuis des années. Pourquoi sommes-nous autant négligés que ça ? Je n’accuse pas les fonctionnaires et autres travailleurs parce que ce n’est pas leur rôle. Ce rôle est dévolu au conseil régional et au gouvernement. Qu’ils viennent nous libérer de cette situation-là. Qu’on n’oublie pas que nous sommes aussi des hommes comme ceux vivant à Abidjan à qui on donne toujours. Je ne cesserai de le répéter : le développement doit venir nous trouver ici et non le contraire. Car on ne va pas aller à Abidjan chercher le développement. Si on fait le pont à Abidjan, on doit en faire ici. Si on permet aux populations d’Abidjan de circuler, on doit nous permettre, nous aussi de circuler. C’est cela qu’on appelle développement.
Jules Eugène N’DA