ÉDITORIAL — Le coup de sifflet de Don-Mello : Ouattara rappelé à l’ordre pour « jeu déloyal »

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ÉDITORIAL

‎En pleine campagne présidentielle, à quelques jours d’un scrutin crucial pour l’avenir démocratique de la Côte d’Ivoire, un communiqué du candidat Ahoua Don-Mello remet violemment au jour une réalité trop souvent occultée : le terrain électoral n’est pas toujours plat. Et la bataille ne se joue pas seulement dans les urnes ou sur les estrades politiques. Elle se joue aussi – et surtout – dans les écrans, les images, les symboles. Et parfois, dans les silences d’institutions censées veiller à l’équité.

‎Le 14 octobre, la Direction de la Communication du candidat Don-Mello saisit officiellement la HACA, pour dénoncer les contenus irréguliers des Prêts à Diffuser (PAD) de M. Alassane Ouattara, candidat du RHDP et président sortant. À l’appui de cette saisine, des faits troublants : utilisation d’images de l’équipe nationale de football, de l’icône Cheick Cissé, et même d’un bâtiment public – autant d’éléments proscrits par les règles électorales définies par la HACA elle-même.

‎Ce qui pourrait, en apparence, passer pour une simple erreur de production audiovisuelle se transforme rapidement en affaire politique de premier plan. Car dans un pays où le sport est un vecteur d’identité nationale puissant, associer l’image des champions ivoiriens à un candidat en campagne revient à instrumentaliser l’émotion collective à des fins partisanes. C’est injuste, inégal, et surtout interdit.

‎Mais ce qui inquiète davantage encore, c’est la réaction – ou plutôt l’absence de réaction – de l’autorité de régulation. Alors que la HACA aurait dû, dans les plus brefs délais, statuer publiquement sur la validité ou non des contenus incriminés, elle a choisi le silence. Un silence gênant. Un silence qui, dans une démocratie mature, ne saurait être une réponse.

‎Ironie de la situation : les contenus litigieux ont soudainement disparu des PAD du candidat Ouattara, comme par enchantement, sans explication officielle ni rectificatif public. La manœuvre laisse transparaître un aveu implicite : oui, les règles ont été contournées. Oui, la pression du camp Don-Mello a porté ses fruits. Mais le tort, lui, a déjà été consommé. Et le temps d’antenne, irrégulièrement optimisé, n’est pas restitué à ceux qui ont respecté les règles.

‎Que reste-t-il alors de l’esprit de justice électorale ? Le principe d’égalité de traitement des candidats est une condition non négociable de toute compétition démocratique. Quand l’un des protagonistes, déjà fort de ses réseaux et de l’appareil d’État, bénéficie d’un traitement de faveur sur les médias publics, même par omission, c’est toute la crédibilité du processus qui vacille.

‎En somme, il ne suffit pas de supprimer des images pour effacer l’injustice. Il ne suffit pas de corriger discrètement pour réparer le déséquilibre. Il faut des sanctions. Il faut des mots. Il faut des actes.

‎À la veille d’un scrutin sous haute tension, les institutions comme la HACA doivent faire plus qu’exister : elles doivent agir, dire, arbitrer, trancher. Leur silence devient complice, leur inertie devient une menace. La démocratie ivoirienne mérite mieux que des campagnes déséquilibrées et des spots maquillés.

‎Et comme le rappelle, avec fermeté, le communiqué de Don-Mello : « Que nul n’en ignore. » En effet, que personne n’oublie que le pluralisme ne se défend pas à coups de slogans, mais à coups de rigueur. C’est à ce prix que se construit une Côte d’Ivoire véritablement souveraine.

‎Jules Eugène N’DA