Kampala, carrefour du Sud global : L’Iran exhorte à une revitalisation du Mouvement des non-alignés

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Abidjan le 16 Octobre 2025 – À la veille de la 19e Réunion ministérielle du Mouvement des non-alignés (MNA) qui s’ouvre ce week-end dans la capitale ougandaise, l’Iran hausse le ton. Dans une déclaration incisive, le ministre iranien des Affaires étrangères, le Dr Abbas Araghchi, appelle à une réactivation urgente et stratégique du MNA face à un ordre mondial en mutation, dénonçant une « tentative illégitime de réimposition de l’unilatéralisme occidental ».

‎À Kampala, le mot d’ordre sera clair : approfondir la coopération pour une prospérité mondiale partagée. Mais pour Téhéran, il ne s’agit plus seulement de débats consensuels ou de bilans de sommet — l’heure est à l’action structurée.

‎ « Le Mouvement des non-alignés n’est pas un vestige de la guerre froide. C’est aujourd’hui la voix vivante de la majorité silencieuse du monde », martèle Araghchi, pointant du doigt le G7, qualifié de « club exclusif et auto-sélectif », comme antithèse d’un multilatéralisme inclusif.

Un front commun face aux fractures mondiales

‎Avec ses 120 États membres représentant plus de la moitié de l’humanité, le MNA demeure le plus grand forum multilatéral après l’ONU. Pourtant, son poids politique est jugé trop timide face aux enjeux du moment. L’Iran entend bien changer la donne, en s’appuyant sur son rôle historique dans le Mouvement — notamment depuis l’accueil du Sommet de Téhéran en 2012.

‎La déclaration d’Araghchi insiste sur la nécessité de restaurer l’autorité morale du MNA, à travers des positions fermes : soutien indéfectible à la Palestine, rejet total des sanctions économiques unilatérales, et dénonciation des agressions israéliennes et américaines comme « violations fondamentales du droit international ».

‎ »L’occupation doit cesser. Le génocide à Gaza ne peut rester impuni. Le MNA doit être un levier d’imputabilité », déclare le ministre, chiffrant à 67 000 le nombre de morts palestiniens depuis 2023.

Multipolarité ou fragmentation ?

‎Dans son plaidoyer, Araghchi trace une ligne claire : le MNA doit s’adapter aux réalités multipolaires, sans sombrer dans la dépendance aux blocs émergents ni se faire instrumenter.

‎Alors que les BRICS gagnent en influence, que les rivalités sino-américaines bouleversent les équilibres, et que les chaînes d’approvisionnement mondiales se fragmentent, l’Iran voit dans le MNA une plateforme stratégique pour le Sud global : défendre un « Nouvel ordre mondial fondé sur l’équité, la souveraineté et la solidarité ».

Mais pas de place pour les illusions. Le ton est sobrement réaliste :

‎ »Pas de promesses irréalistes. Pas d’excès rhétorique. Ce que nous cherchons à Kampala, ce sont des résultats concrets, ancrés dans la coopération Sud-Sud », assure Araghchi, évoquant les efforts de l’administration Pezeshkian pour renforcer un multilatéralisme constructif.

Un test de crédibilité

‎Le sommet de Kampala s’annonce donc comme un test pour la pertinence du MNA dans un monde fracturé. Face à la « volatilité stratégique » des États-Unis, à la montée du populisme européen et à la « terreur économique » des sanctions, Téhéran propose de renforcer les mécanismes internes du MNA : résilience économique, équité numérique, lutte commune contre le changement climatique, mais surtout, unité politique.

‎ « Le Mouvement ne survivra que s’il défend des principes et non des postures », conclut Araghchi, appelant à « une solidarité pragmatique face aux défis communs ».

‎Kampala pourrait ainsi devenir plus qu’un simple rendez-vous diplomatique : le point de bascule d’un non-alignement redevenu stratégique.

‎JEN