Abidjan le 16 Octobre 2025 – À dix jours de la présidentielle ivoirienne, le candidat indépendant Ahoua Don Mello bouscule les lignes. Ancien cadre du PPA-CI et figure intellectuelle du camp Gbagbo, il entend jouer sa propre partition. Objectif affiché : amnistie générale, rupture diplomatique et révolution économique. Récit d’une ambition à la croisée des chemins entre loyauté, calcul politique et projet souverainiste.
Ce mercredi 15 octobre à l’aube, les premières lueurs sur Ahoué (sous-préfecture de Brofodoumé) n’ont pas seulement éclairé les visages fatigués des villageois. Elles ont aussi révélé un homme en campagne, le verbe haut et l’ambition chevillée au corps : Ahoua Don Mello, candidat indépendant à l’élection présidentielle du 25 octobre 2025. Ex-technocrate du régime Gbagbo, exilé, puis revenu en Côte d’Ivoire par la petite porte, il se présente aujourd’hui comme l’outsider stratégique de cette élection à cinq.
Face à RFI, Don Mello ne fait pas dans la langue de bois. Il assume : « Ma candidature est une candidature de précaution », dit-il, avant d’ajouter que son objectif premier reste de garantir une présence politique au camp Gbagbo, « en cas d’imprévu ». Une manière à peine voilée de dire ce que beaucoup murmurent : le PPA-CI est pris au piège de ses calculs internes et risque l’effacement dans la bataille de 2025.
Mais plus l’entretien avance, plus le masque de la simple « roue de secours » glisse. Don Mello semble savourer ce moment d’émancipation. Il se positionne en chef d’État en devenir, fort d’un programme souverainiste et économique audacieux, prêt à redistribuer les cartes dans une Côte d’Ivoire qu’il juge « confisquée par les logiques présidentialistes ».
S’il arrive à la magistrature suprême, sa première décision sera lourde de symboles : une loi d’amnistie générale. « Pour libérer les prisonniers politiques et restaurer les droits civils et politiques de tous », annonce-t-il, sans détour. Un message clair, et sans doute destiné à son ancien mentor, Laurent Gbagbo, toujours empêché de se représenter.
Mais la suite intrigue encore plus : « On ne peut pas imposer une place à quelqu’un comme Laurent Gbagbo. Il faut partager les responsabilités, dans un cadre institutionnel repensé. » Don Mello rêve d’un pouvoir moins vertical, plus collégial, où le président ne serait plus seul maître à bord. Une déclaration qui fait grincer des dents à Mama comme à Abidjan.
Loin des discours de réconciliation feutrée, Don Mello allume une mèche : « Le PPA-CI veut me combattre, mais en le faisant, ils affaiblissent toute l’opposition. Et cela ouvre la voie au quatrième mandat d’Alassane Ouattara. » La pique est violente, et elle vise clairement le silence radio de son ancien parti, qui n’a donné aucune consigne de vote, préférant s’enfermer dans une logique d’attente.
Malgré cela, le candidat qui est encore revenu sur toutes ces promesses face aux populations d’Ahoué, assure que le dialogue reste ouvert, notamment avec l’autre figure majeure de la gauche ivoirienne : Simone Ehivet Gbagbo. Un retrait de dernière minute de sa part pour faire bloc ? « Tout est possible », lâche-t-il. Ambiguïté tactique ou vraie main tendue ? Seul le 25 octobre le dira.
Sur le plan international, Don Mello tranche radicalement avec ses rivaux. En bon vice-président de l’Alliance des BRICS, il vante ses liens avec la Russie, la Chine, l’Inde. « J’ai créé beaucoup de relations, c’est ça la richesse d’un homme politique », dit-il, entre deux salves contre la dépendance économique aux pays occidentaux.
La vision est claire : décoloniser l’économie ivoirienne, industrialiser à partir des ressources locales, tourner le dos à la rente agricole et au tout-importé. Une promesse qui séduit les jeunes diplômés désabusés comme les entrepreneurs étouffés par les monopoles.
Stratégie de terrain oblige, Don Mello évite (temporairement) les bastions de Laurent Gbagbo pour mieux investir les zones neutres comme Bouaké et Yamoussoukro, là où l’identité politique se construit au présent. Mais il le jure, Gagnoa n’est pas oublié : « C’est là que j’ai eu mes premiers soutiens », dit-il, confiant.
À mi-chemin entre fidélité et rupture, entre patriotisme assumé et diplomatie multipolaire, Don Mello incarne cette troisième voie encore floue, mais audacieusement tracée. En homme seul ? Peut-être. Mais en homme libre, certainement.
JEN