Abidjan le 5 Octobre 2025 – En prélude à l’élection présidentielle prochaine, la Conférence des Évêques Catholiques de Côte d’Ivoire organise une série de conférences. Dans une des salles archi comble au siège de l’institution située à la Riviera 3, le professeur Camara Moritié a captivé l’attention du public le 02 Octobre 2025 lors d’une conférence magistrale organisée par la Commission Épiscopale Justice, Paix et Environnement, sur le thème : « Face aux menaces sécuritaires multiformes, quels types de coopérations imaginer entre l’Alliance des États du Sahel et la Côte d’Ivoire ? »
Dès l’entame, l’universitaire a tenu à dissiper toute équivoque : « Ce sujet n’est pas sensible, il est grave. Grave, parce qu’il engage la survie de nos États, suspendus à une épée de Damoclès faite de terrorisme et de criminalité organisée », a-t-il déclaré d’une voix ferme, appelant à un débat dépolitisé sur une question « existentielle ».
Le conférencier a ensuite déroulé le premier volet de son exposé, consacré à l’unité sociale, politique et diplomatique ancienne entre la Côte d’Ivoire et les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) – le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Selon lui, ces nations partagent un passé commun, une proximité humaine et une solidarité historique longtemps exemplaires.
« Ces pays ont été, depuis la période coloniale, les pivots de l’intégration sous-régionale », a-t-il rappelé, précisant que la Côte d’Ivoire compte aujourd’hui plus de sept millions de ressortissants originaires de l’AES, installés depuis plusieurs décennies sur son sol.
Une fraternité née du Mandingue et de l’histoire politique
Revisitant les relations ivoiro-maliennes, le professeur Camara a souligné les liens séculaires entre les peuples issus du grand empire du Mandingue, mais aussi l’héritage politique partagé. « C’est à Bamako, en 1946, qu’est né le Rassemblement Démocratique Africain (RDA), matrice du PDCI-RDA du Président Houphouët-Boigny », a-t-il rappelé.
Des liens de proximité qui ont perduré au-delà des divergences idéologiques entre Félix Houphouët-Boigny et Modibo Keïta, le premier prônant le libéralisme africain, le second le socialisme à visage panafricain. « Les présidents successifs du Mali, de Moussa Traoré à IBK, ont toujours entretenu des rapports cordiaux avec Abidjan », a-t-il noté.
Le Burkina Faso, un voisin au cœur battant de l’intégration
Camara Moritié a ensuite ravivé les souvenirs de la Haute-Volta, dont les frontières ont été longtemps imbriquées à celles de la Côte d’Ivoire. « Houphouët-Boigny a toujours considéré la Haute-Volta comme l’arrière-cour naturelle de la Côte d’Ivoire, mais aussi comme une partenaire de développement », a-t-il expliqué.
Il a rappelé que l’immigration voltaïque – aujourd’hui burkinabè – a été un levier majeur du succès agricole ivoirien. En témoignent les projets de coopération économique initiés par le “Vieux”, comme la création du Conseil de l’Entente en 1959 et de la Communauté Économique de l’Afrique de l’Ouest (C.E.A.O.), ancêtre de l’UEMOA, dont le siège reste à Ouagadougou.
« En décembre 1965, un accord de double nationalité fut même signé entre Houphouët-Boigny et Maurice Yaméogo, symbole d’une fraternité politique et humaine exceptionnelle », a rappelé le conférencier.
Le Niger, entre amitié politique et solidarité économique
Le Pr Camara a enfin évoqué les liens profonds entre Abidjan et Niamey, scellés dès l’indépendance. Houphouët-Boigny et Hamani Diori, a-t-il dit, « partageaient la même vision d’une Afrique unie et solidaire ». L’orateur a également livré un souvenir marquant : « Le Président Houphouët s’opposait à la dévaluation du franc CFA car il savait que des pays frères comme le Niger en souffriraient durement. »
Un appel à renouer avec l’esprit d’unité
En conclusion de cette première partie, le professeur Camara a dressé un constat sans ambages : « De la période coloniale jusqu’aux années récentes, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont formé un bloc politique et humain solidaire. Aujourd’hui, cette unité est fissurée. »
L’universitaire a ainsi appelé à un sursaut diplomatique et sécuritaire, pour raviver la flamme d’une coopération mise à mal par les tensions récentes. « L’histoire plaide pour la fraternité, pas pour la rupture », a-t-il martelé, sous les applaudissements nourris d’un auditoire conquis.
À suivre
Jules Eugène N’DA