Abidjan le 02 Juin 2025 – C’est une décision à la fois salutaire, historique et fracassante. Dans une affaire qui illustre la lutte acharnée pour la transparence en Côte d’Ivoire, la Commission d’Accès à l’Information d’Intérêt Public et aux Documents d’intérêt Publics (CAIDP) a sèchement débouté la Commission Électorale Indépendante (CEI), sommée de livrer les pièces justificatives de ses dépenses lors des opérations de révision de la liste électorale de 2021 et 2023. Une victoire éclatante pour le journaliste professionnel Jules Eugène N’DA, président du Réseau des Journalistes Engagés contre la Corruption et l’Injustice (RJECI), et un camouflet pour une CEI engluée dans une logique de refus injustifié.
Les faits
Le 17 février 2025, Monsieur Jules Eugène N’DA, journaliste professionnel et Président du Réseau des Journalistes Engagés contre la Corruption et l’Injustice (RJECI), a adressé à la Commission Electorale Indépendante (CEI), une demande de communication des documents justificatifs des dépenses relatives à l’exécution de l’opération de révision de la liste électorale de 2021 et 2023.
Le 20 mars 2025, Monsieur Jules Eugène N’DA adressait une lettre de relance à la Commission Electorale Indépendante (CEI)
La Commission Electorale Indépendante (CEI) n’ayant pas donné de suite à sa demande, Monsieur Jules Eugène N’DA a saisi la CAIDP le 21 mars 2025, à l’effet d’obtenir communication des documents sollicités.
La CEI piégée par son propre flou
Dans sa réponse datée du 17 avril 2025 à la CAIDP, la CEI a tenté de se retrancher derrière des arguments bancals : elle prétend gérer les dotations budgétaires « dans le respect strict de l’orthodoxie » et rappelle que ses rapports sont accessibles « aux Institutions de contrôle de la République » et, en théorie, au contribuable. Mais à aucun moment, elle n’indique où ces rapports sont consultables, encore moins si les documents demandés par le RJECI y figurent. Une pirouette rhétorique vite démontée par la CAIDP, qui a souligné le caractère communicable des documents, sans réserve, conformément à la loi.
Pis encore, la CEI s’est permise de douter des motivations du requérant, arguant du contexte « socio-politique ambiant » et de la crainte d’un prétendu « discrédit » orchestré par des acteurs aux « diverses obédiences ». Une tentative grossière de criminaliser une démarche citoyenne, balayée sans ménagement par la CAIDP, qui a rappelé que nul n’est tenu de justifier sa demande d’information.
La loi, toute la loi, rien que la loi
La CAIDP a déroulé méthodiquement l’arsenal juridique pour rappeler les obligations de transparence des organismes publics. Selon l’article 4 de la loi n°2013-867, « les organismes publics sont tenus de diffuser au public les informations et les documents publics qu’ils détiennent ». Mieux encore, l’article 11 alinéa 4 précise que « le requérant n’est pas tenu de motiver sa demande ». Dès lors, le refus de la CEI n’avait aucun fondement légal. L’institution électorale s’est trouvée en infraction flagrante avec la loi qui encadre la diffusion de l’information d’intérêt public.
Le jugement est sans appel : les documents sollicités par M. Jules Eugène N’DA sont bel et bien publics et communicables, la CEI est sommée de les transmettre. Une décision rendue lors de la séance du 24 avril 2025 par un collège de sept commissaires, parmi lesquels des personnalités désignées par les plus hautes instances de la République.
Une victoire historique du RJECI et de la presse d’investigation
Derrière cette affaire, c’est tout l’engagement du Réseau des Journalistes Engagés contre la Corruption et l’Injustice (RJECI) qui est à saluer. En saisissant la CAIDP après le silence obstiné de la CEI, le président Jules Eugène N’DA a non seulement exercé un droit fondamental, mais aussi redonné à la presse son rôle de vigie démocratique. En période électorale, où la méfiance des citoyens est exacerbée, cette victoire représente un précédent de taille : les fonds publics, y compris ceux alloués aux institutions les plus sensibles, ne sont pas hors de portée du regard citoyen.
Le RJECI démontre ainsi que l’exigence de transparence n’est pas un luxe mais une obligation. Face à une institution qui a tenté d’escamoter l’information sous couvert de contexte politique tendu, l’organisation a prouvé qu’il est possible de contraindre les puissants à rendre des comptes.
Une jurisprudence importante pour l’accès à l’information en Côte d’Ivoire
Au-delà de ce cas particulier, la décision de la CAIDP marque un tournant. Elle affirme clairement que l’accès aux données budgétaires des opérations électorales n’est pas une faveur, mais un droit. La crainte du trouble à l’ordre public ou de la manipulation politique ne saurait justifier la rétention d’informations publiques. Si l’argument de la « campagne de discrédit » évoqué par la CEI devait prévaloir, alors toutes les démarches d’enquête ou de redevabilité tomberaient sous le coup de la suspicion. C’est précisément cette dérive que la CAIDP a bloquée.
Une leçon de démocratie.
Elle rappelle que les journalistes ne sont pas des adversaires du système, mais ses indispensables gardiens. Elle prouve que les institutions, aussi indépendantes se prétendent-elles, ne peuvent s’affranchir de la loi. Et elle consacre, en toute clarté, la place du citoyen comme font les organisations telles que le RJECI dans le contrôle de la dépense publique.
Cette décision de la CAIDP sonne comme un avertissement pour prévenir que l’opacité n’a plus droit de cité.
Par le RJECI