Côte d’Ivoire – Suspension du congrès du PDCI-RDA : Une décision de justice qui encourage l’usage de la violence

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Abidjan le 17 décembre 2023 – Le tribunal de première instance d’Abidjan Plateau vient, dans une ordonnance, demander la suspension du 8è congrès extraordinaire du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) à quelques heures de sa tenue ce samedi 16 décembre 2023, à Sofitel Hôtel Ivoire dans la commune de Cocody.
Dans sa motivation, la présidente du tribunal, Touré Aminata, épouse Touré évoque un risque de troubles à l’ordre public du fait de certains militants mécontents du PDCI si le congrès se déroulait ce samedi 16 décembre 2023.
« …, la présente juridiction note que les irrégularités dénoncées relatives aux doublons et la liste provisoire des congressistes risquent également d’engendrer des troubles à l’ordre public suite au mécontentement de certains congressistes lesquels sont soutenus par des militants du parti « , souligne la décision qui précise également que la nécessité de préserver l’unité de ses membres s’impose comme un impératif.
« Or l’organisation d’une élection apaisée, libre, et transparente du président du PDCI-RDA s’impose dans l’organisation et la tenue du congrès de ce parti afin de préserver l’unité de ses membres », s’inquiète le tribunal dans sa décision.
Le risque de troubles à l’ordre public du fait de l’humeur d’un groupe d’individus évoqué par le tribunal de première instance peut-il à lui seul justifier le report d’un congrès? Dans quelle société, du moins quelle organisation ou parti politique l’on a fait l’unanimité ? Encore que le PDCI-RDA, de par son idéologie, est un parti démocratique. Ce qui suppose que les débats contradictoires, sont un de ses traits distinctifs de son fonctionnement. Le 12è congrès qui a renouvelé le mandat d’Henri Konan Bédié, en est une preuve. Djédjé Mady, Kouadio Konan Bertin dit KKB, Yao Kouassi ancien secrétaire général du parti (1993 – 1999), tous étaient candidat. Et ce congrès présentait pour certains un risque de violence vu la frustration subie par les candidats KKB et Djédjé Mady.
A quelques heures de l’ouverture de ce 12e congrès, la tension était perceptible au sein du parti. Une vingtaine de militants, dix huit précisément ont entamé une action en justice contre Henri Konan Bédié. Aucun juge n’a osé prendre une décision pour une suspension.
Des mécontentements ont été exprimés. Des menaces aussi proférées. Mais aucun militant n’a osé toucher à un autre. Tant la culture de paix et de tolérance enseignée par le père fondateur de ce parti est ancré dans l’ADN de tous les militants qui se réclament de ce parti.
La motivation de cette décision est ailleurs vu l’impressionnant dispositif policier déployé sur le du congrès ce samedi matin pour empêcher l’accès au lieu des militants. Sans être juriste, la juge Touré Aminata ouvre inéluctablement la voie à une jurisprudence.
Car bien de protestations entourent les processus électoraux en Côte d’Ivoire. Nonobstant les requêtes et menaces de l’opposition pour soit demander un report du scrutin, soit pour annoncer un boycott, aucune mesure conservatoire n’a jamais été prise pour le report d’un scrutin. Cette décision envoie un message aux fauteurs de troubles. Elle montre la voie du blocage des processus électoraux qui n’est autre que, l’usage de la violence. Puisque par la présente décision, les adeptes de la violence, pour se faire entendre, n’ont certainement plus besoin de la justice pour se faire justice. Il suffit désormais de dépeindre une situation alarmante et la brandir comme argument à un juge et le tout est joué. Car une décision contraire mettrait à nu la motivation servie par la juge Touré Aminata.

Jules Eugène N’DA