Abidjan le 06 Avril 2024 – Incroyable mais vrai ! La Banque Africaine de Développement a décidé de prêter main forte à l’Etat de Côte d’Ivoire contre sa population. Dans la mise en œuvre du projet de transport urbain d’Abidjan (Ptua), l’institution s’est rangée du côté de l’Etat ivoirien abandonnant ainsi les pauvres populations impactées à leur triste sort.
Plaintes portant sur le foncier, enregistrées : plus de 70 personnes impactées attendent d’être pris en compte. 21 plaintes, portant sur les omissions, enregistrées toujours en attente d’être prises en compte. Plus de 200 personnes relogées à Ahiwayi (cité Colas) à Songon sans aucun document attestant qu’elles sont propriétaires des bâtiments. Dans l’urgence le Ptua a décidé d’un relogement temporaire de ces impactés causé par une modification de la voie afin de permettre la réalisation du projet. Un contrôle rigoureux de la direction financière mettrait les occupations, bien que légitimes, dehors. Et parce qu’aucun titre de propriété ne permet de justifier leur présence dans les bâtiments qu’ils occupent. 51 plaintes dont les biens hors emprise ont été démolis attendent d’être prises en compte. 27 plaintes pour contestation du montant proposés par la CCPTUA. La contre-expertise ayant été déjà effectuée et versée à leurs dossiers attendent toujours d’être prises en compte.
7 autres litiges fonciers au tribunal non pris en compte. 26 plaintes dont doute la CCPTUA non prises en compte. Elle entend procéder à une vérification. 3 plaintes pour problème de succession à la tête d’entreprise. 6 plaintes pour mauvais travaux qui a impacté des entreprises. Ces chiffres de plaintes en notre possession qui avoisine les trois cent (300) et qui sont loin du compte, sont-ils exacts ? Dans un souci de comparer la liste de ceux ayant effectivement été dédommagés et ceux n’ayant rien obtenu du tout, nous avons adressé une correspondance le 05 février 2024 à la BAD afin de nous faire le point du rapport à elle transmis par le gouvernement ivoirien. Elle n’a pas donné suite à notre demande. Ce qui laisse entretenir les bruits d’une probable complicité qui serait scellée entre l’Etat de Côte d’Ivoire et l’institution pour corser la misère du peuple ivoirien. Alors que des centaines de preuves d’indemnisation attendent toujours, la Bad n’a pourtant pas réagi.
Cité Colas ayiwahi
On avance aussi le chiffre de plus de 3000 personnes recensés mais introuvables dans les fichiers. Pourtant ces personnes auraient même déjà perçu de l’argent. Qui a donc empoché le pactole ? Seule la CC-Ptua, en charge des indemnisations, est capable de répondre.
(Dans son point qu’il aurait fait à la BAD, le Ptua aurait indiqué avoir résolu plus de 3520 plaintes contre seulement 18 en attentes de toucher leur argent. Pourtant des centaines de personnes continuent de réclamer leur dû)
En effet, dans la mise en œuvre du Ptua (4e pont ; voie Y4 ; voie de Dédoublement, sortie ouest, route de Dabou ; les quartiers Yaosehi ; Doukouré ; Boribana ; Yopougon Santé ; Jean-Paul II ; Fromager ; Nouveau quartier, etc) bon nombre de personnes ont vu leurs biens détruits sans être dédommagés. Le cas de madame Kouadio Koffi Bla, Yopougon nouveau quartier montre la discrimination la plus totale dans la prise en compte faite par le coordonnateur Gouagoua. En effet, alors que le terrain de dame Koffi Bla est en position avancée par rapport à celui de son voisin, ce dernier a obtenu dédommagement. Malgré les documents exigés et fournis par la jeune dame, sa plainte est jusque-là classée sans suite par le tout puissant coordonnateur qui décide de tout selon les personnes interrogées.
Alors même que la Bad fait de la lutte contre la pauvreté, donc de l’indemnisation des populations impactées par un projet, une priorité et une exigence, avant d’accorder tout appui financier aux Etats, le Ptua par contre, on ne sait les raisons, bénéficie, quant à lui, d’une grâce de l’institution. Qui a renoncé à l’application de son exigence d’indemnisation avant accompagnement de projet devant l’Etat de Côte d’Ivoire. Elle refuse même de faire connaitre la vérité.
Des milliers d’impactés ; propriétaires de bâtis, de terrains non bâtis, locataires de maison, devenus des SDF ou réduits à la mendicité, continuent de pleurer sans trouver une oreille attentive, surtout celle de la BAD dont la présence à toutes les étapes de la mise en œuvre de ce projet a été une assurance pour les populations. Mais aujourd’hui, le constat est tout autre. Pas d’indemnisation. Des biens détruits. Des populations jetées à la rue. Des personnes y ont trouvé la mort sans déranger l’institution. La clôture de l’EPP Niangon-Adjamé qui avait cédé en 2021 sous les fortes averses et qui a donné la mort a un écolier est dû à la mauvaise qualité du travail effectué par le Ptua lors de sa reconstruction. Un rapport que la coordination du projet n’a jamais mentionné dans ses dossiers alors que l’école et la famille du jeune écolier continue de pleurer la disparition de ce petit. Un autre gosse de 10 ans du coté de Yaoséhi est mort noyé dans un trou laissé béant après y avoir pris la terre pour les travaux de construction. Il retient suffisamment l’eau pour la moindre averse. Aucune compassion de la Cc-Ptua après ces cas de décès alors que ce sont les travaux du Ptua qui ont donné la mort à ces enfants. Des faits qui mettent ainsi en cause la crédibilité de l’institution aux yeux des populations. Elles se demandent s’il faut encore faire confiance à l’institution ou est-ce que la Bad est mal renseignée ? Peut-il en être autrement si l’Etat lui-même est son propre contrôleur et principal fournisseur d’informations sur le projet à l’institution ? La BAD en sait certainement beaucoup sur la vaste opération de démolition et de déguerpissement en cours dans le grand Abidjan. Un programme minutieusement élaboré.
Autant d’interrogations que le Réseau des Journalistes Engagés contre la Corruption et l’Injustice (RJECI) tente de démêler
« Telles que les choses sont en train de se dérouler là, ça ressemble à une expropriation », explique un impacté dont le bien a été démolis par erreur mais que la cellule de coordination du projet de monsieur Gouagoua refuse de prendre en compte. Gouagoua, un nom qui revient chaque fois dans notre quête d’information.
Dans le cadre de ce projet, notre interlocuteur explique que la voie devait traverser les quartiers précaires bâtis sur des sites sans titre foncier. Dès lors, les quartiers Boribana, Santé, Jean-Paul II, fromager, nouveau quartier, Doukouré, Yaosehi qui ont vu le jour en attendant que l’Etat ait les moyens de la mise en œuvre de ce projet n’avait aucun droit sur l’espace occupé, c’est-à-dire, là où le quatrième pont doit traverser. Mais poursuit-il, ce 1er tracé a été modifié. Dès lors que le trajet est modifié, du coup, ceux qui n’étaient pas au départ concernés, sont automatiquement touchés, donc impactés. Cette modification a touché de plein fouet son bâtiment et ceux de ses voisins.
Ce nouveau trajet est allé impacter des populations ayant déjà des documents, des titres fonciers sur leurs parcelles. Sans aucun calcul, ces personnes devraient, au même titre que ceux qui l’ont été par erreur, automatiquement être prises en compte et indemnisées. Mais cela n’a pas été le cas. On ne sait pour quelles raisons, le Plan d’Action et de Réinstallation (PAR) qui a écrits le plan d’action de ce projet, n’a pas pris ou ne veut pas prendre en compte les bâtis ou les fonciers détruits puisqu’initialement, le projet ne devait traverser que les quartiers précaires sans titre foncier.
De même, la voie de dédoublement de la route de Dabou, sortie Ouest, enregistre bons nombres de plaintes. Plusieurs personnes ont été impactées par la modification du premier tracé. Elles sont aussi confrontées au refus du coordonnateur du PTUA, Gouagoua de les prendre en compte. Par courriers en date du 14 février 2024, nous avons saisi le ministère de l’équipement et de l’entretien routier mais aussi la Cellule de Coordination du Projet du Transport Urbain d’Abidjan de monsieur Gouagoua afin d’en savoir plus. Mais notre démarche est restée jusque-là sans suite.
L’ex gestionnaire des plaintes, Djimi Kouadio, n’a jamais voulu répondre à nos différentes sollicitations. Il nous a toujours renvoyé vers la cellule, son ancien employeur.
Autre catégorie de personnes impactées mais que la cellule de coordination du projet, toujours refuse de payer, alors que tous les biens ont été détruits, sont ceux qui, après négociation, ont signé un accord de paiement mais sont toujours dans l’attente depuis presque 2 ans. Alors que dans un rapport remis à la BAD, l’Etat indique qu’il ne doit plus un seul centime à tous ceux dont les bâtis ont été démolis. Pourtant, plus de 300 personnes dont nous détenons les documents réclament toujours leur dû. Le propriétaire de l’ex centre commercial Bon Prix Gesco, face à la station d’essence Shell, détruit n’a pas été pris en compte. Malgré une contre-expertise faite de son bien détruit, la Ptua a classé son dossier. Il a été proposé à ce dernier ayant un autre bâti détruit de R+2 sur un espace de 135 M2 une indemnisation sous-évalué selon l’intéressé. Ce qu’il a refusé. La contre-expertise ayant donné un montant quatre fois que ce qui lui a été proposé. Après négociation, la Ccptua s’est engagée à payer. Et pourtant, depuis 2021, l’homme attend toujours son chèque après plusieurs promesses faites sans suite favorable. Nous apprenons au moment où nous mettons sous presse, que son bien ayant fait l’objet de négociation après la contre-expertise transmise à la Cc-ptua vient d’etre reglé. Il reste encore l’indemnisation de son supermarché dont le dommage est encore plus important.
Evaluation des biens
Qui doit fixer le montant de l’indemnisation ? Y a-t-il une échelle d’évaluation des biens impactés par les projets gouvernementaux ? Se refusant de donner suite à notre quête d’information, le Cc-Ptua confirme de fait, la rumeur qui court et qui avance que son coordonnateur fixe les montants à la tête du client ou qu’elle propose des montants contre des pots de vin.
Auront-ils un jour gain de cause où ne recevront-ils rien du tout ? Rien n’est sûr. Puisque, selon eux, le coordonnateur du projet qui refuse de nous donner sa version des faits, ne cesse de leur répéter que l’Etat est fort et qu’il peut disposer du bien de ses compatriotes à souhait.
D’autres impactés ont été réinstallés à Songon, dans la cité Colas. Aucun document attestant que les maisons qu’ils occupent désormais dans le cadre de la mise en œuvre du Ptua leur appartiennent. Ne voulant pas vivre l’amer expérience des riverains de Cocody Danga expulsés des maisons qu’ils croyaient acquises depuis des décennies par le promoteur, ces déplacés interpellent également la Bad, témoin des remises des clés. Selon les informations recueillies sur place la Cc-Ptua dont la mission prend fin au terme de l’exécution de ce projet, entend leur remettre les clés 5 ans plus tard. Une proposition qui inquiète plus d’un. Parmi ces personnes se trouve madame Yayé Ntah Emilienne dont l’habitation et magasins ont été démolis hors emprise au niveau du marché Bagnon, carrefour lièvre rouge sans aucune indemnisation. Réduite à presque rien, elle interpelle les autorités de la Bad dont la présence, selon elle, aux différentes étapes de ce processus, a été plus qu’un gage rassurant.
Deux semaines après notre rencontre avec les nouveaux locataires de Ayiwahi (Cité Colas), précisément le 29 janvier 2024, une famille nous informe que le 16 février 2024, un couple s’est pointé à la cité pour lui dire qu’ils sont les vrais propriétaires de la maison qu’elle occupe. Vivement que les documents soient rapidement remis aux vrais bénéficiaires pour éviter dans un futur proche ou lointain des conflits inutiles.
Enquête réalisée par le RJECI