Côte d’Ivoire : Il se passe des choses bien curieuses à la Brigade de gendarmerie de Divo
Côte d’Ivoire
Abidjan le 10 Janvier 2023 – « Jamais deux sans trois », dit un adage français. Sollicités déjà à deux reprises en vue lever une cotisation et venir en aide à des frères d’armes indélicats, en difficulté, certains pandores de la brigade de Divo, agacés par ces cotisations récurrentes, ne veulent plus mettre la main à la poche, une troisième fois. Ils expriment leur mécontentement.
Une cotisation imposée aux gendarmes suite à un forfait commis par l’un des leurs
Y. M. en fonction à la brigade de gendarmerie de Divo, décide, alors que sa fonction lui interdit d’exercer une activité privée lucrative, de se lancer dans la vente de vin. Il associe trois de ses collègues à son business. Mais tout ne se passera pas comme prévu, à en croire le témoignage d’un brigadier qui a requis l’anonymat. Lisons son long témoignage.
« Le premier cas, de quoi s’agit-il ? On a un collègue qui est un adjudant-chef, je ne sais pas dans quel business il était mais à un moment donné, il s’est fait passer pour un vendeur de vin, courant juillet-août 2022 dernier. Il en a profité pour associer certains de ses collègues à son business. Il leur a fait croire qu’il y a tellement de sous dans ce business et que s’ils investissaient dans cette activité, il allait leur donner le double de ce qu’ils ont investi. Il a réussi à convaincre trois de ses collègues qui lui ont remis pratiquement la somme de 4 millions de francs CFA. Il a dit à ces derniers qu’il avait déjà des clients sous la main et que s’il leur livre le vin, il les remboursera d’ici trois semaines. Malheureusement les trois semaines indiquées sont passées. Un mois, un mois et demi se sont écoulés, il ne leur dit rien.
Quand ils l’appellent, il ne leur dit rien de rassurant. Finalement, un jour, il vient les informer qu’il a été grugé. Et, il semble même qu’il a pris de l’argent avec des civils. Il était question à présent de restituer l’argent de ses collègues y compris celui des civils. Comme il ne parvenait pas à restituer les fonds de ses collègues, ces derniers sont allés rendre compte au commandant de brigade. Le concerné, appelé par son supérieur hiérarchique pour des explications, a raconté au commandant de brigade qu’il a été grugé. Ce dernier, à son tour, a rendu compte au commandant de compagnie. On ne sait pas ce qu’il a pu dire au commandant de compagnie mais en guise de sanction, il a été détaché à la compagnie. Et après, on vient nous dire que comme il doit à beaucoup de personnes et pour ne pas que l’affaire soit connue de tous, on doit cotiser pour l’aider. On a trouvé cela injuste.
Il doit à ses collègues et ces derniers doivent encore cotiser de l’argent pour le sortir du pétrin dans lequel il s’est mis ? On est plus d’une … au sein de la brigade et on a été scindés en deux groupes. Y.M. est le chef du groupe 2. Le commandant de brigade a informé les éléments dudit groupe que comme Y.M. est leur chef, ils doivent cotiser pour rembourser l’argent qu’il doit à ses créanciers. Les gendarmes ont grogné car ils estiment que s’il y a une cotisation à faire pour rembourser l’argent que Y.M. doit, c’est tous les gendarmes au sein de la brigade qui doivent cotiser et pas seulement ceux du groupe 2.
Etant dans un corps où le respect de la hiérarchie compte beaucoup et pour éviter des sanctions, ils n’ont pas pu manifester leur colère, ils ont cotisé contre leur gré pour leur chef de groupe. Ils ont pu obtenir la somme de 500 000 francs CFA qui ne couvrait pas les fonds qu’il doit aux gens. La hiérarchie a demandé que les gendarmes cotisent à nouveau. Mais voyant la grogne des gendarmes, ils ont finalement annulé la seconde cotisation et l’affaire n’est allée nulle part », explique notre source. Quel chanceux, ce pandore !
Une autre cotisation imposée aux brigadiers
La faveur dont a bénéficié Y.M. a-t-elle inspiré ses frères d’armes ? Nul ne le sait. Mais un autre gendarme va mal s’illustrer dans le traitement d’une procédure pénale, selon notre même source. Voici son explication. « Récemment encore, en novembre 2022, il y a eu un soit-transmis du parquet de Divo. Comme de coutume, le commandant de brigade adjoint transmet le dossier à un gendarme pour le traiter. Une fois ce dernier finit la procédure, il y a un adjudant-chef qui est chargé de corriger le dossier. Les deux gendarmes ont travaillé en collaboration. Mais à la dernière minute, il ressort qu’un parent du mis en cause est allé voir le commandant de compagnie pour l’informer que K.I. leur a demandé la somme de 500 000 francs CFA.
Le parent en question s’est rendu directement chez le commandant de compagnie pour se plaindre. Ce dernier a appelé le commandant de brigade pour lui demander de venir avec son élément mis en cause. Ils arrivent, le commandant de compagnie leur demande des explications, le gendarme dit n’avoir jamais pris de l’argent. Le commandant lui a finalement demandé de rembourser l’argent dans un bref délai. Ils reviennent au service, le commandant de brigade demande encore aux gendarmes de cotiser pour rembourser la somme de 500 000 francs CFA. Les gendarmes ont estimé que c’est une cotisation de trop.
Face au mécontentement des gendarmes, le commandant de brigade leur a demandé de donner la moitié de l’argent et le gendarme mis en cause donnera l’autre moitié. Les gendarmes ont cotisé une nouvelle fois contre leur gré. Il n’y a jamais deux sans trois. Ça devient une habitude. Et demain, quand il y aura un autre problème, ils vont nous demander de cotiser de l’argent.
Un commandant de brigade ne doit pas se comporter de la sorte. Il doit sanctionner, il doit rendre compte. Peut-être qu’il a décidé de protéger un de ses éléments mais il ne doit pas faire supporter les charges financières aux autres gendarmes qui n’ont rien à voir avec les agissements d’un d’entre eux. Les gendarmes de la brigade ne sont pas contents et ils veulent que la hiérarchie au niveau d’Abidjan soit informée de ce qui se passe à Divo avec leur supérieur hiérarchique.
Ce dernier abuse trop de ses collaborateurs. Il a des avantages que ses éléments n’ont pas. Il ne doit pas obliger ses éléments chaque fois à cotiser pour un gendarme impliqué dans un scandale. (…) Si les gendarmes se mettent à cotiser chaque fois quand un de leurs collègues commet un manquement, une forfaiture, chacun finira par se dire qu’il n’a rien à craindre le jour où lui aussi commettra une faute. Car ses collègues cotiseront aussi pour lui », raconte-t-elle. Mais que dit la hiérarchie ?
Le commandant de brigade se défend
Contacté le 08 janvier 2023, par souci de vérification des faits et de l’équilibre de l’information, K. A., le commandant de brigade de Divo a donné sa version des faits. « Pour le premier cas, je vais être un peu bref. C’est entre lui et ses propres collègues mais il a été muté à San Pedro. Il n’est plus là. C’est un problème entre lui et les éléments. Au moment des faits, je n’étais là. J’étais convalescent, c’est mon adjoint qui était là.
Quand je suis arrivé, les éléments m’ont informé. Parce qu’avec mon adjoint, les choses trainaient, il n’arrivait pas à mettre de l’ordre. Je ne peux pas admettre que dans ma brigade, un élément cherche à escroquer de l’argent à ses collègues, en se faisant passer pour un commerçant qui a besoin d’argent. Il obtient cet argent et par la suite il ne rembourse pas. J’ai remonté l’information à mon commandant de compagnie qui l’a ensuite détaché à la compagnie. Et ce sont ses collègues qui, par esprit de solidarité, voulaient l’aider afin de pouvoir rembourser l’argent qu’il doit. Ses amis, entre eux, ils ont commencé à cotiser mais ils ont constaté que l’intéressé est un inconscient.
Donc, ils ont arrêté de cotiser pour lui. Sinon dire que le C B (Commandant de brigade, Ndlr) a demandé qu’on cotise, je ne me reconnais pas dans ça. Je ne peux pas permettre que ce genre de choses se passe dans ma brigade. Quand je suis venu, j’ai mis de l’ordre. Quand c’est comme ça, il faut rendre compte. C’est ce que j’ai fait et il a été détaché à la compagnie. Je rappelle que je n’étais pas là quand les faits se sont passés. J’étais convalescent et j’étais à Abidjan. Quand je suis arrivé, j’ai mis de l’ordre.
Maintenant pour le deuxième cas, je n’étais même pas là, j’étais en séminaire. Le procureur de la République de Divo m’a appelé pour me demander si j’étais au courant puisque c’est au sein de ma brigade. Je lui avais dit que je n’étais pas au courant et que j’allais appeler mon adjoint, l’adjudant-chef B.P. Je l’ai appelé et il m’a fait le point. Voici comment les choses se sont passées. C’est un soit-transmis venant du parquet du tribunal de Divo qui est parvenu à la brigade.
Quand ça arrive, il est de notre devoir, en tant qu’agent de la police judiciaire, d’exécuter les instructions fermes du procureur de la République. Il a attribué le soit-transmis à l’adjudant-chef B.P. C’est lui qui s’occupait de ça. Vous connaissez les Noirs. Il a mis la main sur le mis en cause, auteur d’une escroquerie ou bien d’un abus de confiance portant sur le véhicule. Il a arrêté le mis en cause et ce dernier a été incarcéré. Par la suite, il s’est arrangé avec le plaignant.
Mais d’après lui, le plaignant a appelé le procureur de la République pour l’informer de l’arrangement et qu’il était au courant de tout. Le mis en cause a donc été libéré. L’homme demeure homme. Une fois en liberté, le mis en cause s’est rendu chez le procureur de la République pour aller se plaindre de ce que le gendarme lui a réclamé de l’argent. Puisque j’étais absent au moment des faits, j’ai appelé l’adjudant-chef B.P. pour lui demander s’il était au courant de cette affaire. Il m’a dit qu’il n’était pas au courant. C’est ainsi que le procureur de la République m’a dit qu’il va envoyer l’affaire à la compagnie pour qu’on s’occupe de l’adjudant-chef B.P. et l’autre élément, K. I. là-bas.
C’est une affaire militaire et lui procureur de la République, il ne peut pas agir. Il y a plusieurs sortes de mis en cause et nous, on auditionne beaucoup de personnes à la brigade. Souvent, il y en a qui sont auteurs d’une infraction mais ils nient les faits, il arrive aussi qu’on peut mentir sur quelqu’un pour lui causer du tort. Mais dans le cas d’espèce, il a été pris, menotté, incarcéré et il a eu à payer de l’argent. Il peut dire que le gendarme a pris de l’argent avec lui alors que c’est faux. Ça peut donc être vrai comme faux. Et moi, comme je n’étais pas là au moment des faits, ils sont allés à la compagnie. J’ai rendu compte au commandant de compagnie. C’est mon travail en tant que C B de remonter les informations à mon commandant de compagnie.
Le commandant de compagnie les a entendus et par la suite, il a dit qu’on le veuille ou pas, le fait qu’ils aient pris de l’argent avec le mis en cause pour le remettre au plaignant, sans en avoir informé le parquet, cela les compromet. Il leur a donc demandé de rembourser l’argent du mis en cause. C’est comme ça l’argent du monsieur a été remboursé. Voici comment les choses se sont passées », a-t-il indiqué. A la question de savoir s’il avait demandé à ses éléments de cotiser pour les gendarmes en difficulté, il a répondu : « On ne peut pas faire ça. » Finalement, où se situe la vérité ?
A.G.